La fin du spectacle.
La fin du spectacle !
Je suis là et las et la mort me caresse, elle est venue me chercher.
L'heure est venue de laisser place à d'autres vies.
J'étais, je ne suis plus.
J'étais, ici, un court instant un enfant, un adolescent, un jeune adulte, un homme, un père, un vieil homme, j'étais à travers tous ses passages de vie un humain qui a fait sa tournée. Et tous ces passages m'ont permis de goûter à plusieurs existences.
J'ai eu plusieurs vies, plusieurs morts, plusieurs naissances et renaissances.
J'ai traversé de multiples transformations.
Aujourd'hui, je suis là et las et la mort caresse mon corps. Ce corps que j'ai trimballé et vu se transformer et se dégrader.
Je pensais avoir le contrôle sur lui et par surprise, il m'échappait en m'obligeant à m'aliter par une grippe ou une quelconque mal-a-die.
Ce corps a été mon véhicule qui m'a fait découvrir des lieux et des visages par centaines mais c'est toujours lui qui a eu le dernier mot.
Il savait prédire mon avenir.
Rien ne lui échappait, il ressentait tout.
Mon corps, mon allié ou mon ennemi, je choisissais en fonction du regard que je portais sur lui.
C'est pourtant grâce à lui que je savais si une amante m'était infidèle ou aimante, mon corps me le signalait par mes multiples sensations.
Il suffisait de lui faire confiance et d'écouter les signaux qu'il m'envoyait.
Malheureusement, je l'ai très peu écouté.
Je préférais le déni à ma réalité que je refusais de voir.
Je ne pouvais pas accepter l'idée que l'autre puisse me mentir.
Mais à force de répéter les mêmes erreurs, j'ai fini par l'écouter et le décoder. Ainsi, j'ai compris que j'étais le premier à me mentir.
Mon corps était donc mon allié, il me préservait du mensonge, de la trahison et de l'inacceptable.
Il se fermait dès qu'un danger faisait irruption.
Et cette fermeture m'indiquait un dysfonctionnement de ma part ou des autres. Je pouvais, en effet, être le premier à me saborder en négligeant mon propre corps. Mon sublime véhicule qui travaillait sans relâche.
Aujourd'hui, il a fait son temps, il n'est plus en état de marche. Pourtant, c'est encore lui qui me fait savoir que la mort est là, toute proche pour soulager et libérer mon âme qui a besoin de repos et de réconfort.
Mon corps est douloureux et épuisé.
Il a bien travaillé.
24 heures sur 24, et pendant plus de 90 ans, il m'a accompagné.
Aujourd'hui, la mort va me l'enlever et tout en moi va s'éteindre.
Il ne restera plus de moi que l'amour que j'ai offert à ceux et celles qui ont croisé mon chemin. Nous nous sommes fait du bien, nous permettant ainsi de poursuivre notre traversée semée de péripéties et d'imprévus.
J'ai offert ce que je j'avais de mieux avec ce que la vie m'a donné.
La mort me caresse, elle vient m'offrir un doux et silencieux repos.
C'est la fin du spectacle.
Je vais me retirer.
Lorens56100 "La fin du spectacle" le 5 mars 2020